Le musée de Tuol Sleng, connu comme le Musée
des crimes du génocide khmer, est un ancien lycée (Toul
Svay Prey) qui a été utilisé par les Khmers rouges
comme centre de détention et de torture entre 1975 et 1979. Le
nom de code de cette prison était S21. Elle faisait approximativement
400*600m.
On peut traduire Tuol Sleng par "Colline empoisonnée",
révélateur du lieu, tandis que l'ancien nom de l'école,
Tuol Svay Prey, signifie quelque chose de complètement différent ("Colline des manguiers sauvages").
Actuellement il y a possibilité de visiter les lieux où
toutes ces atrocités ont été commises, ainsi que
le site d'extermination de Choeung Ek, dénommé "Killing
Fields", lié à la prison et situé à quelques
kilomètres dans les champs.
Les Khmers rouges enfermaient à S21 tous les supposés opposants
au régime, sur n'importe quel motif, et cela même si le motif
n'était pas valable. Les personnes enfermées étaient
aussi bien des jeunes que des personnes plus âgées. Il y
avait des femmes, des enfants, et parfois des familles entières (bébés
y compris) d'ouvriers, d'intellectuels, de ministres et de diplomates
cambodgiens, mais aussi des étrangers (Indiens, Pakistanais, Anglais,
Américains, Canadiens, Australiens...) Le simple fait de porter des lunettes
(y compris pour les enfants) était suffisant pour être considéré comme
intellectuel et donc, "à exterminer".
Les anciennes classes du 2ème étage servaient de salles
de détention communes (Chambre D),
Les gens y étaient enfermés à environ 50 personnes,
allongées par terre en alignements serrés, les familles
regroupées. Les pieds des détenus étaient attachées
à de longues barres de fer par des anneaux en fonte.
Après leur arrivée et la photo, tous les détenus
étaient rassemblés là et numérotés.
Un gardien s'occupait régulièrement de fouiller les personnes
qui étaient allongées, pour voir si elles ne disposaient
pas d'un stylo pour se suicider en se crevant la gorge (une personne s'est
suicidé comme cela), ou bien d'un boulon ou d'une vis pour se suicider
aussi en l'avalant.
Le réveil était à 4h30 du matin. On donnait aux personnes
une bouillie de riz le matin à 8h et le soir à 20h, et dans
la journée on ne leur donnait pas d'eau. Les gens faisaient leurs
besoins dans une boîte militaire en métal qu'un gardien leur
apportait. L'odeur devait être particulièment mauvaise.
Mon opinion personnelle :
Dans le film S21 de Rithy Panh (sorti en février 2004 à
Paris), l'un des gardiens montre avec force démonstrations
qu'il donnait de l'eau aux prisonniers allongés, mais j'ai
lu que le peintre Vann Nath, rescapé, a dit le contraire. Pourtant
il est présent dans le film...
(Source : http://www.cbc.ca/sunday/cambodia/story.html)
Mais je pense que les anciens gardiens ou autres khmers rouges ont
tout intérêt à mentir, afin de voiler la vérité,
cacher au maximum les atrocités commises, et de faire baisser
les peines d'un éventuel tribunal. Il faut donc se méfier,
parce que les choses les plus atroces risquent d'être déformées,
cachées, et disparaître avec le manque de précision
dans la collecte de l'information. |
Dans le même bâtiment, les salles de classe du premier
étage n'étaient pas reliées initialement, mais
les khmers rouges ont cassé les murs entre les classes, afin de
faire un couloir central, des deux côtés duquel ont été
fabriquées de petites cellules sommaires en brique, avec des portes
de bois à lucarne carrée, permettant aux gardiens de regarder
en permanence ce qui se passait dans les cellules. Les cellules étaient
de taille variable, mais les plus petites d'environ 1,5m² contenaient
3 personnes, parfois plus.
Pour certains prisonniers, les gardiens avaient écrit des phrases
en khmer sur l'intérieur des portes, qui prescrivaient un conseil
à respecter pour le détenu. Dans le film S21, l'une de ces
phrases est traduite.
Les anciennes classes plus petites, situées dans un bâtiment
séparé (bâtiment B), et possédant des fenêtres
à barreaux métalliques, servaient de salles de torture
individuelles . On y attachait les prisonniers (hommes ou femmes)
sur des sommiers en fer, et on les torturait afin qu'ils "avouent".
La plupart avouaient des "fautes" qu'ils n'avaient pas commis.
Ce qu'ils disaient était transcrit sur du papier. Lorsque l'aveu
ne plaisait pas, le tortionnaire en faisait une boule qu'il jetait dans
un coin de la salle, et le prisonnier était à nouveau torturé
pour en tirer un nouvel aveu. Les tortionnaires donnaient aux détenus
des "idées" d'aveu : par exemple un lien avec la CIA,
le KGB, ou encore un quelconque système démocratique, "capitaliste",
ou "impérialiste".
Le système d'interrogatoire était fait pour entraîner
l'aveu des personnes.
Les tortionnaires se divisaient en trois groupes : Les "Gentils",
les "Chauds" (?), et les "Mordants"
Lorsque les prisonniers n'avouaient rien au groupe des "Gentils",
qui était un groupe politique, ils étaient pris en charge
par le groupe des "Chauds", et ainsi de suite jusqu'au groupe
des "Mordants".
Dans le film S21, un ancien gardien décrit qu'ils utilisaient un
sac plastique pour étouffer les détenus, et des pinces pour
lui lacérer les chairs.
On voit sur les peintures faites par Vann Nath (peintre ancien
prisonnier ayant travaillé de manière forcée pour
les dirigeants Khmers rouges) certaines scènes de torture retranscrites,
comme le dépôt de scolopendres et autres insectes piqueurs
sur le ventre des prisonniers, ou des tortures visant à étouffer
les prisonnier à l'aide d'une cuve pleine d'eau dans laquelle on
les pendait par les pieds..
Duch, qui était le maître du complexe de Tuol Sleng,
était un ancien enseignant nommé Kang Kech Eav ! Cet homme
vit actuellement en liberté... (voir photo
de Duch)
Il dirigeait en fait le département de la mort. (voir organigramme du camp)
Ses gardiens photographiaient soigneusement les prisonniers au moment de leur arrivée, ainsi qu'avant ou au moment de leur mort, alors
que leurs gorges étaient tranchées, leurs corps mutilés par les tortures et si décharnés par la faim qu'ils étaient presque méconnaissables.
Les photographies faisaient partie d'un système destiné
à prouver que les ennemis de l'état avaient bien été
tués. Les khmers rouges tenaient également des registres
d'entrées et sorties des prisonniers (morts ou voués à
la mort) de la prison
Les registres et les photos ont permis de révéler qu'au
total environ 10 500 prisonniers y sont resté trois mois en moyenne, en
plus des 2000 enfants qui y ont été tués
Duch assignait même des jours spécifiques pour tuer certains
types de prisonniers : un jour les femmes de "l'ennemi", un
autre jour les enfants, et un autre les travailleurs des usines.
Les gardes avaient entre 10 et 15 ans, et sous l'endoctrinement de leurs
aînés, devenaient rapidement beaucoup plus cruels que les adultes.
Les règles de l'Angkar (le Parti révolutionnaire) stipulaient
que les relations amoureuses étaient interdites. Mais de nombreux
khmers rouges étaient en pleine croissance libidinale, et certains
violaient les filles ou les femmes du camp, en faisant cela en cachette,
le plus discrètement possible.
(cf. film S21)
Personne ne s'est échappé de Tuol Sleng.
A la libération du camp, il y avait sept survivants.
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